La CPTS La Seyne – Toulon-ouest bénéficie d’une coordinatrice, Émilie Mérens, et d’un président bénévole, le Dr Wilfrid Guardigli. (Photo V. R.)
L’objectif est de travailler de façon coordonnée pour améliorer la prise en charge des patients de la population entière du territoire.
Les CPTS sont issues du plan de réforme du système de santé annoncé par le président de la République en septembre 2018. Sur le site Internet du ministère des Solidarité et de la Santé, on peut lire qu’il s’agit de “s’organiser autour d’un projet de santé pour répondre à des problématiques communes : organisation des soins programmés, coordination ville-hôpital, attractivité médicale du territoire, coopération entre médecins et infirmiers pour le maintien à domicile”.
Au 20 décembre 2021, 200 CPTS avaient été validées à travers la France, dont 5 dans les Alpes Maritimes et 5 dans le Var. Beaucoup d’autres sont en phase de création selon la Fédération nationale des CPTS.
Éviter l’embolie des services
En somme, la CPTS ne lutte pas en soi contre les déserts médicaux. Elle permet d’organiser la médecine de ville de façon à ce que les praticiens ne soient pas surchargés à mauvais escient.
Certains vont consulter un cardiologue, alors qu’ils ont un problème rhumatologique : ça arrive tout le temps.
“Ça embolise des services, mais rien ne peut l’empêcher.” Pas même le parcours de soin instauré en 2004, estime le médecin. “Ce n’est pas coercitif et le peu qu’on perd en remboursement, si on n’a pas de courrier de son médecin traitant, n’est pas du tout dissuasif.”
Avec le maintien à domicile des personnes âgées, c’est un des parcours sur lesquels la CPTS de La Seyne a particulièrement travaillé depuis sa mise en œuvre officielle il y a tout juste un an.
La communauté professionnelle territoriale de santé LSTO concerne quelque 150.000 Varois. (Infographie Rina Uzan).
Pour que la médecine de ville survive
“Jusqu’à maintenant, il n’y avait jamais eu d’organisation de la médecine de ville, aucune régulation à l’accès aux médecins de premier recours – les généralistes –, de second recours – les spécialistes –, de troisième recours – les hospitaliers”, s’étonne encore le Dr Guardigli. Heureusement, modère-t-il, les communautés professionnelles territoriales de santé apparaissent comme la première étape d’une régulation de la médecine de ville. “On n’y vient que maintenant, parce que la politique de santé de France ne s’est jamais intéressée à la médecine de ville, estime le généraliste. Elle ne s’est intéressée qu’à la médecine hospitalière. Donc on a développé les hôpitaux, on a des hôpitaux d’excellence, des centres hospitaliers universitaires… On a tout mis là-dedans.”
Fer de lance face au Covid-19
La plupart des personnes qui ont été vaccinées en France l’ont été grâce aux CPTS.
“Les gens qui vaccinent, rappelle le Dr Guardigli, sont des médecins, des infirmières, des pharmaciens, des kinés, gérés par les CPTS, là où il y en a. On a donc fait les plannings pour organiser la vaccination. C’est plutôt novateur !” Sur le secteur, quelque 94.000 injections de sérum anti-Covid ont été réalisées.
Plus tôt dans la crise sanitaire, lors du premier confinement au printemps 2020, alors qu’elle n’était qu’en gestation, la CPTS avait été à l’origine d’un des premiers centres Covid, destiné notamment aux tests. Ceci, sans le moindre financement.
Comme une préfiguration de ce que peut faire une CPTS, le centre de consultation Covid installé dans une ancienne école de La Seyne en avril 2020. (Photo doc. Luc Boutria).
Depuis la signature de l’accord conventionnel interprofessionnel, qui formalise un cadre pérenne, la communauté bénéficie d’un financement de l’Assurance-maladie. “Pour cette première année, on a eu 75.000 euros“, détaille le président de la CPTS. Un montant qui sert notamment à l’organisation de la structure et lui permet de salarier une coordinatrice à temps plein – Émilie Mérens – et de payer le loyer du bureau qu’occupe la CPTS au sein de la maison de santé Caduceus à La Seyne. Le président, lui, est bénévole.
À Nice, la structure qui couvre l’ouest de la ville, ainsi que Colomars – bassin de 111.000 habitants – a été créée sous forme associative en 2019 et est financée par l’ARS et l’assurance maladie depuis juin 2021. Elle a eu l’opportunité de partager les locaux du Pôle de santé du quartier des Moulins (développé en 2013). Notamment parce que Céline Casta, sa présidente, y exerce depuis douze ans. Cette CPTS Nice Ouest Vallées compte deux salariés : une coordinatrice, pour les professionnels de santé, et une médiatrice santé qui se charge des patients qui auraient un souci administratif ou un besoin d’aiguillage.
Libérer du temps médical
Mais le président de la CPTS n’est pas inquiet. “Ça ne fait qu’un an qu’on existe et la plupart n’ont pas encore compris la notion, ni l’intérêt. Ils se demandent ce que ça va leur apporter et s’imaginent que ce sera du travail en plus”, justifie le médecin.
Alors, il rappelle que si l’objectif d’une communauté professionnelle territoriale de santé est une meilleure qualité des soins pour les habitants d’un territoire, il s’agit aussi d’améliorer la qualité de vie des professionnels de santé.
“Si le médecin ne faisait que de la médecine, il en ferait plus!” Wilfrid Guardigli insiste : “Grâce à la CPTS, les médecins auront plus de temps médical libre et moins de temps non médical.” Par exemple,
décrit-il, les praticiens membres de la communauté territoriale bénéficieront d’assistants médicaux, de moyens d’orientation. Il y aura aussi des infirmières en pratique avancée, formées pour prescrire et modifier des traitements. “On va favoriser leur travail et faire en sorte qu’ils n’aient plus de tâche qui n’ont rien à voir avec la médecine, comme remplir des papiers administratifs, faire de la facturation.”
Plus les professionnels sont organisés, plus ils travaillent dans de bonnes conditions.
Les professionnels de santé de Nice-ouest réunis pour évoquer le travail au sein de la CPTS. (Photo DR).
Le Dr Céline Casta, à Nice-ouest, confirme que le projet de santé et cette réflexion autour des besoins des professionnels de santé comme de ceux des patients du territoire est extrêmement porteuse. Une centaine de libéraux a déjà adhéré et participe – chacun à sa manière, en fonction du temps imparti et de ses objectifs – à ce travail d’organisation qui favorise un meilleur accès aux soins.
Un chantier essentiel puisqu’il est difficile, pour l’heure, d’envisager de gonfler les rangs… “Nous sommes déjà sous-dotés en médecins généralistes sur notre secteur : nous sommes à 8,03 généralistes pour 10.000 habitants, donc en-dessous de la moyenne nationale (à 8,9), en dessous de celle de Nice (13,3) et de la région (11,1). Et des départs à la retraite s’annoncent, j’en ai listé au moins quatre.“
Rendre les territoires plus attractifs
“Notre objectif est de rendre le territoire plus attractif, reprend le Dr Casta à Nice. C’est tout l’intérêt de décloisonner et d’échanger. De travailler sur l’existant, parce qu’on ne va pas réinventer la roue. Je sais qu’il y a une crainte de certains pro, qui se disent qu’adhérer à une CPTS c’est accepter une mainmise de l’État ou bien que c’est la porte ouverte au salariat… mais non.” Et le Dr Guardigli à La Seyne de regretter que, pour l’heure, “un certain nombre de professionnels aient une vision assez négative du système“.
Les CPTS mettent des assistants médicaux à disposition de ses médecins adhérents afin de faciliter leur travail. (Photo DR).
Certains médecins craignent par exemple de perdre la main sur le suivi de leur patient, celui-ci étant en partie assuré par les fameux assistants médicaux ; d’autres redoutent un chantage au Rosp, la part de leur rémunération sur objectifs de santé publique, s’ils n’adhèrent pas à une CPST. “Pour moi, la CPTS, c’est 100% bénéfique, assure pourtant le président de la communauté LSTO en réponse à ces inquiétudes. “Plus les professionnels sont organisés, plus ils travaillent dans de bonnes conditions, confirme le Dr Casta. Et plus la situation s’améliore pour les patients. Et quel bonheur d’échanger d’égal à égal, ça renforce encore davantage notre engagement et notre pratique.“
On nous donne la possibilité de nous organiser et on nous donne un financement pour le faire. C’est une opportunité formidable.
Au point qu’il ne voit aucune limite à cette structuration. La seule, dit-il, “c’est notre imagination”. Et d’argumenter : “Aujourd’hui, on a un financement de l’Assurance-maladie qui est assez contraint, mais qu’est-ce qui nous empêche d’aller chercher des financements extérieurs et d’avoir d’autres objectifs que ceux qui nous ont été assignés.”
Il pense déjà à une mission de médecine préventive : “Moi, en tant que médecin, ça m’intéresse d’éviter aux gens d’être malades !”
Professionnels de santé et patients alliés pour une meilleure prévention
La prévention est un pan important des quatre grandes missions définies par la CPTS de Nice-ouest. Il y a d’abord l’accès à un médecin traitant et à des soins non-programmés (ressentis urgents par le patient). Ensuite, un “parcours patient” a été développé : la CPTS a tissé des liens étroits avec tous les services indispensables à ceux qui ont des maladies chroniques – CHU de Nice, Centre Lacassagne, etc. Pandémie oblige, les médecins libéraux adhérents s’engagent aussi à “favoriser une réponse aux crises sanitaires graves“.
Enfin, la prévention et l’éducation à la santé est un objectif clair et qui tend à encore évoluer : des professionnels de santé sont rémunérés pour participer à des actions ciblées comme Octobre Rose ou autres événements qui se déroulent dans des lieux publics. Ils accueillent et informent.
L’objectif 2022 est d’offrir à des patients de participer également à des événements en tant que “patients partenaires”. Le Dr Casta explique : “Des personnes atteintes de maladies chroniques, par exemple, pourraient accompagner notre travail de prévention et d’information en venant aussi à la rencontre de ceux qui ont besoin d’être aiguillés, qui sont en demande d’informations.“